22 février 2005 - J'ai tout changé pour vivre vraiment.

Il y a 5 ans je pense que vous auriez eu peine à me reconnaître, il est incroyable de constater à quel point une vie peut changer en un an, deux mois ..
Quand j'avais 15 ans j'étais grosse, je cachais mon corps sous des vêtements dix fois trop grands et mon visage sous des cheveux longs et mal peignés. Paradoxalement j'étais le boute en train de service, j'avais beaucoup de copains et j'étais conviée partout, pourtant je n'ai jamais été aussi seule qu'à cette période. Le problème avec l'humour c'est que çà devient vite une façade au désespoir. Pendant 4 ans, je me suis mutilée les poignets, je me dégoûtais tellement qu'il fallait que je me blesse, à vrai dire je n'arrive toujours pas à m'expliquer ce rituel.
Mon père est mort quand j'avais 10 ans, j'étais tellement proche de lui, je l'admirais et toute ma vie s'en est trouvée bouleversée. Aussi, en entrant dans l'adolescence, j'étais déjà paumé, il me manquait un père, qui plus est j'ai pris mon mauvais tournant car après son décès, je n'ai absolument pas exprimé ma peine, il m'a fallu dix ans pour commencer à en parler, aussi quand on adopte cette attitude, votre entourage vous prête moins attention, on est celle qui « le prend bien ». Malheureusement j'ai enfoui mes émotions au plus profond de moi-même et je l'ai caché derrière un mur de pudeur et d'humour pour ne pas blesser ni attrister davantage mes proches, comme quoi parfois un peu d'égoïsme ne fait pas de mal ! !
Quand je suis arrivée au lycée, j'étais toujours la même bonne copine de tout le monde, auprès de qui tout le monde se confesse mais que personne n'écoutait, ne prenait le temps de regarder vraiment ou de s'attarder sur mes poignets. La seconde fut donc aux yeux de tous une année d'adaptation réussie, mes crises de larmes avaient cependant doublé et la fin était toujours la même, un morceau de verre, un couteau, des ciseaux ..
Mais ce n'était rien par rapport à la première, en effet cette année-là j'ai cru trouver un « vrai groupe d'amis » avec lesquels je traînais tout le temps, nos soirées consistaient à être le plus ivre possible et à s'humilier les uns les autres ; quelle drôlerie ! Ayant perdu toute forme de caractère, je me suis laissée glisser doucement dans la peau du Bouc émissaire, le jeu étant de me pousser dans un délire suicidaire, plus les mois passaient plus l'image que j'avais de moi était négative.
Cependant un jour, l'un de mes « chers camarades » au lieu d'ironiser sur moi comme d'habitude s'en est pris à une photo de mon père. Je fus comme réveillée, j'ai hurlé un volcan d'amertume et je ne les ai plus revus. Tout ce qu'il me reste de cette « belle amitié » ce sont de vilaines cicatrices.
Quelques temps après j'ai fréquenté d'autres personnes qui m'ont vue et entendue...voilà comment j'ai entamé mon année de terminale, de moins en moins de mutilations mais tout de même .. J'ai alors vraiment décidé de tout changer: en 7 mois j'ai perdu 27 kilos, mon style vestimentaire s'en est trouvé radicalement changé, j'ai commencé le théâtre, ce qui fut ma meilleure thérapie ? J'ai décidé de faire le pus de rencontre possible, de ne plus m'enfermer, je fais aujourd'hui mes études, je vis avec mon copain (hé oui comme quoi çà arrive à tout le monde.) Je ne pensais pas qu'être aussi heureuse un jour puisse m'arriver. Il me suffisait de le vouloir vraiment. Je suis heureuse car j'ai appris à grandir, je commence même à parler de mon père, à me renseigner sur lui et à en parler avec ma mère, pourtant le dialogue était ouvert depuis longtemps en fait mais je refusais d'y rentrer vraiment (somme toute avant de blâmer il faut faire un travail sur soi ..
Je ne vais pas vous dire que tout est rose aujourd'hui et que je vis au royaume des « Barbapapas »il y a toujours des moments difficiles et de toutes façons il y en aura toujours, mais les moments de bonheur n'en sont que plus appréciables, à nous de les rechercher de les déguster, de les partager et faire partager.
J'ai tout changé pour vivre vraiment.

Marie 20 ans